Le théâtre
parmi de multiples autres expressions artistiques reflète
le monde et ses errements, l'auteur contemporain nous donne souvent
quelques matières de réflexions et toujours de nouvelles
voies pour mieux alimenter notre quête de sens. Pourtant
ce citoyen visionnaire, qui exprime notre temps au travers de
grands mythes primordiaux, par la satyre, l'insolite, la chronique
sociale, se trouve encore trop inisuffisament représenté
sur la scènes de théâtre.
Le programme de ce festival poursuit l'exploration dans la création
contemporaine, programme que nous menons depuis IQ ans à
Chelles en faisant se côtoyer des auteurs aux univers aussi
différents que Fernando Arrabal, Daniel Pennac, Christian
Zahetti, Bruno Schulz, Pascal Parsat...
Notre ambition est de faire entendre les préoccupations
de ces auteurs : l'intolérance, le monde de l'enfance,
le surréalisme... et de révéler des oeuvres
comme " l'effet mère "dArrabal, encore inédit
en France.
Que ce premier festival d'auteurs contemporains trouve à Chelles l'expression de toutes les audaces et plaisirs, c'est ce que nous vous proposons de partager ensemble. Pierre Pirol
En écrivant
Lettre d^amour, je revivais le temps de "la
première fois".
La pièce faisait de moi son oeuvre, comme dans la pêche
le noyau engendre la vie.
Lorsque j'ai commencé à la rédiger, javais
l'impression que des sentinelles minuscules attendaient des messages,
postées aux articulations de mes mains et de mes pieds,
au bout de mes doigts, de mon sexe, et sur la rétine de
mes yeux.
Le souffle du nouveau-né me régénérait:
c'était la respiration embryonnaire de qui ne peut s'élever,
être heureux, immortel, que par le théâtre.
De qui inverse le processus vital pour parvenir à la création.
Je me sentais habité par le firmament. J'oubliais même
que j'écrivais: j'étais enfermé en moi-même
alors que je révélais mon intimité.
Lettre d'amour anéantissait mon rapport au
temps et à l'espace, comme si elle renfermait le secret
de l' éternité.
Ma gorge était nouée par les liens d'amour-haine
tissés avec la femme qui m^a donné le jour. Comme
si le conflit oedipien et la tragédie de l 'Histoire, la
condamnation à mort de mon père et le mystère
de sa disparition venaient de surgir à l'instant.
Parfois, j'étais convaincu que j'avais échoué
en tout: Je croyais que mon corps abritait des scorpions venimeux,
des serpents pervers, des bourdons mouchards qui dénonçaient
à ma tête les fautes de mon ventre. Je ne pouvais
les expulser qu'en écrivant.
Parfois aussi, maîtrisant mes craintes, je me laissais éblouir
par mes infortunes fatales. J'écrivais sous la dictée
de ma vie, de mon enfance , de mes rêves, dans l'espoir
de les retrouver conformes à mes désirs dans ma
mémoire.
Avec quelle soudaineté un souvenir m'emportait vers un
paradis ou un enfer inconnu, comme si, des ailes fixées
sur mon dos, je pouvais m'élever vers le firmament.
Je ne souhaite pas voir mon théâtre s'inscrire dans
les Registres de l'Immortalité... je désire seulement
jouir chaque jour de quelques instants de bonheur.
Je conçois Lettre d'amour comme un égarement
lucide. Forme et fond, esprit et délire, en tous points
semblables, s'unissant pour ne faire qu'un.
J'ai tant rêvé d'écouter cette pièce
(le jour de la première mondiale à l'Habimah National
Theatre), interprétée par la prodigieuse Orna Porat.
L'exil est ma découverte inépuisable. Quelle joie
imméritée que Lettre d'amour soit
précisément créée en Israël,
depuis la révélation qu'a été mon
voyage aux sources de l'ineffable.
F. Arrabal
Avec: Farida Toyes |
Guitare :
|