THEATRE:
Le coeur inconsolé de Fernando Arrabal
Fernando Arrabal a écrit Lettre damour il y a trois ans, en une nuit.
Un monologue dont le metteur en scène roumain Radu Dinulescu a fait une pièce pour trois personnages.
(Photo J. Ber/Enguerand.)
Derrière les lunettes à très fines montures, le regard est clair, pro fond. Mais il y flotte Ces temps-ci quelque chose dune insondable tristesse. A peine remis dune grave opération des poumons Fernando Arrabal est venu passer quelques jours à Avignon pour as-sister à fa création, en langue fran-çaise, dun texte qu a écrit on une nuit, il y a trois ans, à la demande dune comédienne très célèbre or Israèl, Orna Porat. Elle a crée Lettre damour, on juin 1999, àTel-Aviv. Un monologue dont le metteur on scène roumain Radu Dinulescu a fait une pièce pour trois personnages. Une mère, son fils, une tireuse de tarots. Après lavoir jouée, dans leur langue, à Bucarest, les comédiens la jouent, on français, au Bourg-Neuf. Fernando Arrabal, comme il la fait dans ses romans, ses films, ses poèmes, revient à la question qui la toujours hanté. La question du père. Il sous-titre sa Lettre damour: « comme un supplice chinois »... Il sera toujours au supplice. Son coeur est inconsolé. Un petit garçon, en lui, réclame la vérité. Et rien ne peut dissiper son chagrin. Ni le savoir, la science, lérudition. Ni la passion des échecs. Ni lécriture, ni la réalisation. Ni la malice, car Arrabal pétille, samuse, invente sans cesse, sintéresse aux autres, les devine, les provoque. Mais toujours son coeur bute sur la question qui nourrit tout son parcours intellectuel et artistique. En toute sincérité. « Qu est devenu mon père après qu il sest échappé de prison ? Je nai jamais cru quil ait pu mourir. Nous laurions su. Adolescent, jen parlais avec ma mère, Elle me repliquait par le silence. Plus tard, dans un cagibi, jai decouvert des documents et jai su que, contrairement à ce quelle mavait affirmé lorsque j´avais 14 ans, mon père nétait pas mort. Je lai cherché. Jai interrogé des témoins, jai même été jusqu à en parler autre-fois à la Pasionaria réfugiée à Moscou,.. Partout où jai été, jai tenté de comprendre. » « Partout où jai été, jai tenté de comprendre » Dans cette Lettre damour, cest sa propre mère quil fait parler. « Je lui ai donné à lire la pièce.., Quelques jours après elle est deuil impossible, que sest construite son oeuvre. Il travaille. Il voyage : son théatre est joué dans le monde entier. Depuis longtemps, il a choisi la France mais si cest dans la langue de Michel Houelllebecq son ami, quil rédige ses chroniques sur le jeu déchecs, il retrouve sa langue maternelle, lespagnol, pour la fiction. Le plus souvent, il est son propre traducteur. Il ne sennuie pas, Arrabal, Il pleure ses amis, et Topor plus que tout autre avec qui il créa le mouvement Panique avec Jodorowski, justement. Il est fier davoir été intronisé dans lordre. rare. des morte. Comme si une page tournait. » Et comme si, au coeur de ce monologue, était inscrite une vérité. « ll y a trois ans, jai demandé à mon ami Jodorowski de maider.,. Il ma tiré les tarots et la lame qui est sortie fut pour moi comme une révélation : dans le ciel, un ange. très victorieux, De-vant un mur, deux hommes, nus, se tiennent par la main... Gominent n´ai-je pas pensé plus tôt, me suis-je dit... » Il sourit. |